Parmi les 100 millions d’objectifs EF produits à ce jour, la plupart ne quittent jamais les boitiers avec lesquels ils ont été vendus. Mais si la qualité des zooms transstandard a beaucoup progressé ces derniers temps, celle des objectifs de base de l’époque argentique reste tellement tristounette qu’elle ne saurait plus rendre justice aux capteurs d’appareils contemporains. Heureusement, il est possible de donner à certains de ces objectifs une seconde vie, grâce à une intervention aussi simple que rapide.
Les prestations des objectifs fournis en kit suivaient souvent celles des boitiers qui leur étaient associés : alors que les EOS argentiques « milieu de gamme » étaient accompagnés d’optiques fort honorables (EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 I et II, EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6 USM, EF 28-105 mm f/3, 5-4, 5 USM I et II, EF 28-135 mm f/3, 5-5, 6 IS USM), les modèles plus basiques étaient fournis avec des objectifs entièrement fabriqués en matière plastique. Ainsi, le marché d’occasion regorge encore de nombreux objectifs économiques, plus décevants les uns que les autres en ce qui concerne leur qualité optique, réalisation mécanique et confort d’utilisation. Si les objectifs milieu de gamme peuvent encore dépanner ceux qui ne souhaitent (ou qui ne peuvent) pas investir dans un des objectifs transstandard de la série « L », mieux vaut ne pas ressusciter les objectifs bas de gamme, sous peine de produire des images sans vie.
Si vous possédez un EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6, EF 35-80 mm f/4-5, 6 ou EF 38-76 mm f/4, 5-5, 6 ou si vous pouvez en dénicher un exemplaire pour une poignée d’euros (ne payez pas plus d’une dizaine d’euros pour un spécimen en bon état), vous pouvez en faire un véritable objectif macro. À la différence des objectifs transstandard plus sophistiqués (voir plus haut) ou plus récents (EF 28-90 mm f/4, 5-5, 6 et 28-105 f/4-5, 6 USM), les objectifs en question partagent une construction optique très simple, avec une disposition des éléments en deux groupes dont le premier groupe se déplace de façon linéaire pour effectuer la mise au point. Une fois ôté le groupe avant, le groupe arrière permet d’obtenir des rapports de reproduction importants, supérieurs au rapport 1 : 1 à la focale la plus longue. Or, cela est habituellement réservé à des équipements plus spécialisés et souvent fort onéreux.
Canon a produit pas moins de six versions bas de gamme de l’EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6, dotés ou non de moteur USM. L’EF 35-80 mm f/4-5, 6 a été décliné en cinq versions tandis que l’EF 38-76 mm f/4, 5-5, 6 n’existe que dans une seule. Dans le cas du 28-80 mm f/3, 5-5, 6 version I, commercialisé entre 1996 et 1999, l’intervention demeure parfaitement réversible puisqu’il suffit d’enlever trois petites vis, situées sur la bague de mise au point manuelle, pour pouvoir soulever et extraire le premier groupe optique.
L’opération achevée, l’objectif perd l’AF (rappelons que le fonctionnement de celui-ci repose sur le déplacement du premier groupe optique), mais il continue à communiquer avec le boitier. Il est donc possible de conserver l’automatisme de la fermeture du diaphragme (le cadrage et la mise au point s’effectuent donc à la pleine ouverture) et les différents modes d’exposition et de mesure du boitier. Le rapport de grandissement varie en fonction de la position de la bague de changement de focale : à 28 mm, vous obtiendrez un rapport de grandissement de 0,8 fois (0,8 : 1) alors que la focale la plus longue vous donnera un grandissement de 1,3 fois (1, 3 : 1) avec un boitier à capteur 24 x 36. Avec des capteurs APS-H ou APS-C, multipliez ces valeurs par un facteur de 1, 3 ou 1, 6. Avec un boitier à capteur APS-C, il est donc possible d’atteindre un rapport de grandissement égal à 2 fois (2 : 1) à la focale la plus longue !
Il va sans dire que la qualité d’image n’est pas aussi élevée que celle d’un véritable objectif macro. D’une part, l’EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6 ainsi transformé souffre d’une distorsion au coussinet très prononcée, d’autre part, le piqué se dégrade aux bords. À noter aussi la présence d’aberrations chromatiques dans la périphérie de l’image, défaut qui se corrige désormais très facilement dans un logiciel de développement RAW. Si l’objectif ne se prête donc guère à des applications exigeantes telles que la reproduction d’œuvres d’art et de timbres, il réussit haut la main lorsqu’il s’agit de saisir des fleurs ou des insectes. Avec des sujets en 3D, un manque d’homogénéité entre le centre et les bords se remarque beaucoup moins, au point de devenir invisible dans la plupart des situations. Fait aggravant, la distance de travail est très faible et ne laisse qu’un espace de quelques centimètres entre le sujet photographié et la bague de filtre de l’objectif. Il faut donc ruser pour placer des éclairages et souvent le seul recours consiste à utiliser un flash macro. Si le flash annulaire Canon MR14EX s’adapte directement sur l’objectif, il touche quasiment le sujet photographié. Qui plus est, son éclairage doux et sans relief produit souvent des reflets disgracieux, trahissant la forme particulière des tubes flash.
En utilisant un flash MT-24EX, équipé de deux têtes flash que l’on peut faire pivoter verticalement ou horizontalement sur 80°, il est possible d’obtenir un éclairage plus harmonieux. Pour ma part, j’ai opté pour une barrette flash Manfrotto 330B et deux flashs Canon, un 550EX et un 580EXII, disposés des deux côtés du sujet. Si une telle configuration ne saurait écarter le risque de toucher le sujet avec la bague de filtre de l’objectif, elle offre davantage de souplesse pour le positionnement des sources d’éclairage. Avec des fleurs, cela fonctionne convenablement, mais avec des insectes, la proximité de l’objectif risque de faire fuir les bêtes les plus impassibles. Un rapprochement lent et progressif est donc de rigueur pour ne pas effaroucher des sujets non captifs.
Alors que le Canon EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6 est sinon un objectif bon à rien, tout juste suffisant pour servir de presse-papier ou de jouet « Holga », il s’avère plutôt satisfaisant, une fois délesté de son premier groupe optique et employé dans son nouveau domaine d’application, celui de la macrophotographie. Certes, il ne faut pas s’attendre à des performances frôlant celles, très élevées et homogènes, d’un objectif macro dédié. Mais il s’agit d’une solution très économique qui fournit des résultats plus convaincants qu’une bonnette pas chère , tout en étant beaucoup plus facile à utiliser qu’un jeu de bagues allonge « économiques ». En attendant de passer à des choses à la fois plus sérieuses et plus onéreuses !
Sachez que la transformation d’un zoom économique en objectif macro ne fait pas partie des secrets bien gardés. En fouillant un peu sur le Web, vous trouverez de nombreux fils de discussion, articles et tutoriels détaillant la procédure de conversion avec différentes versions du Canon EF 35-80 mm f/4-5, 6. En principe, l’intervention n’est pas réservée aux seules optiques de la marque rouge. Il existe sans doute d’autres objectifs pouvant être détournés pour la macro : pour s’y qualifier, il leur suffit d’avoir un groupe avant qui se déplace linéairement pour la mise au point.