Dans la partie précédente de cette série d’articles, j’avais abordé les caractéristiques des objectifs d’agrandisseur tout en donnant des pistes pour en choisir les modèles les plus performants. Voici la seconde et dernière partie qui présente comment les employer sur le terrain pour produire de saisissantes photo macro.
L’excellent rapport qualité-prix représente un atout fondamental pour l’emploi des objectifs d’agrandisseur en tant qu’objectifs de prise de vue. Mais ils ne sont pas utilisables sans modification préalable à défaut d’intégrer un dispositif pour contrôler à la fois la distance de mise au point et le rapport de reproduction. Trois accessoires peuvent accomplir l’allongement du tirage, c’est-à-dire de la distance séparant l’objectif du plan capteur : tube allonge fixe, soufflet-allonge ou tube allonge hélicoïdal.
Les tubes allonge sont des petits cylindres de longueur variable qui s’intercalent entre le boitier et l’objectif pour augmenter le tirage mécanique et ainsi le rapport de reproduction. Utilisé seul ou associé à d’autres, un tube allonge assure le plus souvent la communication entre le boitier et l’objectif, grâce à une puce électronique et/ou un mécanisme interne de transmission de la valeur de diaphragme présélectionné sur l’objectif. Si les tubes allonge sont très faciles d’emploi, grâce à leur faible encombrement, ils ne sont pas d’une grande souplesse. Le rapport de reproduction étant déterminé par la longueur des tubes, il est impossible de modifier progressivement le tirage pour obtenir l’agrandissement souhaité. Qui plus est, l’allongement ou la réduction du tirage mécanique nécessite l’ajout ou la suppression d’un ou de plusieurs éléments, opération chronophage, notamment sur le terrain ou il faut être à même de réagir rapidement face à des sujets remuants et souvent volatiles.
Le soufflet-allonge offre beaucoup plus de souplesse. Il autorise à modifier progressivement le tirage jusqu’à obtenir l’échelle de reproduction désirée. S’il s’agit d’un accessoire dont l’utilisation est devenue marginale au fil des années, il est assez facile d’en trouver sur le marché d’occasion à des tarifs très alléchants. De même, il en existe des modèles chinois très économiques, mais bénéficiant d’une réalisation mécanique moins soignée que celle des soufflets provenant de marques réputées (Canon, Contax, Nikon, Minolta, Olympus, Pentax, Novoflex, etc.).
En gros, il y a deux types de soufflet : les modèles légers de type monorail et les modèles à double rail, plus lourds et plus encombrants.
Sur un modèle monorail, le soufflet est maintenu entre deux montants, l’un fixe et l’autre mobile. Le montant fixe accueille le boîtier alors que le montant mobile reçoit l’objectif. Léger, compact et maniable, un soufflet monorail se destine avant tout à un emploi itinérant, parfois même à main levée. L’extension maximale étant limitée, le rapport de reproduction maximum ne dépasse guère celui obtenu avec un jeu de trois tubes allonge. De même, le soufflet monorail ne se prête pas à la technique du « stacking », laquelle est destinée à augmenter la profondeur de champ : l’extension du soufflet joue sur le rapport de reproduction alors que la mise au point est obtenue en rapprochant ou éloignant l’ensemble du sujet.
Sur un modèle à double-rail, le soufflet évolue entre deux montants mobiles. Certains modèles plus élaborés intègrent un chariot de distances. Celui-ci repose sur deux tiges supplémentaires autorisant le déplacement de l’ensemble objectif-soufflet-boîtier pour une mise au point très précise et ce, sans pour autant modifier le tirage et ainsi le rapport de reproduction. Plus robuste mais également plus lourd et plus encombrant qu’un soufflet monorail, un soufflet à double rail nécessite obligatoirement l’emploi d’un trépied, limitant ainsi son champ d’action sur le terrain.
Le complément idéal d’un objectif d’agrandissement, c’est lui ! Construit comme un objectif, mais sans lentilles et bague de diaphragmes, un tube allonge hélicoïdal procure à un objectif d’agrandisseur de quoi faire varier le tirage et le rapport de reproduction tout en restant beaucoup plus maniable qu’un soufflet-allonge. Lorsque le tirage est faible, la mise au point se fait avec la bague intégrée, lorsqu’il est important, il s’effectue via le déplacement de l’ensemble objectif-tube-boîtier.
S’il est possible de trouver des tubes télescopiques de marque (Pentax, Olympus, Schneider, Rodenstock ou Zörk) sur le marché, neuf comme d’occasion, les modèles chinois offrent indéniablement un rapport qualité-prix bien plus séduisant, d’autant plus que leur réalisation mécanique s’avère fort correcte. Il est possible de trouver, sur le [site d’enchères le plus populaire], différents modèles avec une amplitude entre 12 et 17, 17 et 31, 25 et 55 ou 36 et 90 mm, proposé à des tarifs entre 25 et 60 euros en fonction de leur taille.
Si les deux premiers se prêtent à une utilisation à l’infini des objectifs d’agrandisseur (application possible, mais moins courante), les deux autres peuvent servir à la macrophotographie. Pour ma part, j’ai opté pour le modèle le plus grand (35-90 mm) qui offre les rapports de reproduction suivants (capteur 24 x 36). Multipliez les valeurs par 1,5 (Nikon, Sony, Pentax, Samsung) ou 1,6 (Canon) pour obtenir l’équivalence de cadrage avec un boîtier à capteur APS-C.
– de 0,7 à 1,9 x avec un objectif 50 mm ;
– de 0,16 à 0,9 x avec un objectif 75 mm ;
– de 0,14 à 0,82 x avec un objectif 80 mm ;
– de l’infini à 0,45 x avec un objectif 105 mm.
Si les rapports de reproduction maximaux ne sont pas aussi importants que ceux offerts par un objectif macro spécialisé[ Laowa 60mm f/2.8] ou [Canon MP-E 65mm f/2.8 1-5x ], il ne faut pas négliger l’aspect financier : l’ensemble composé de l’ objectif d’agrandissement, du tube télescopique et de deux bagues d’adaptation ne devrait pas coûter plus de 100 euros alors que l’objectif macro chinois et le spécialiste japonais sont respectivement commercialisés à des tarifs quatre et dix fois plus importants ! Notez qu’il est possible d’obtenir des rapports de reproduction plus importants en montant l’objectif d’agrandisseur sur un soufflet macro ou en ajoutant des tubes allonge. Mais au-delà du rapport 2 x, la prise de vue se complique progressivement, par manque de lumière et de profondeur de champ.
Par rapport à un objectif macro dédié, l’utilisation d’un objectif d’agrandisseur n’est pas de tout repos. L’absence de la commande de fermeture du diaphragme et celle de la confirmation de mise au point nécessite de travailler à l’ancienne, c’est-à-dire en gérant manuellement le diaphragme et la mise au point. Quant à la mesure de l’exposition, il est possible d’opérer en mode Manuel ou en mode automatique à priorité d’ouverture (A ou Av), l’automatisme TTL flash étant également possible. Voici quelques conseils d’utilisation :
Si vous travaillez sur trépied, passez en mode LiveView pour effectuer la mise au point à l’ouverture de travail ; si vous travaillez à main levée, utilisez le viseur réflex ou le viseur électronique, soit à pleine ouverture (si l’objectif possède un dispositif de présélection), soit à l’ouverture de travail. Avec un appareil réflex numérique à capteur APS-C, la mise au point devient très délicate – la présence d’une verre de visée optimisé pour la mise au point manuelle vous aidera alors à obtenir un réglage précis.
Aux rapports de reproduction plus élevés la lumière devient une denrée rare : à 0,5 x, la luminosité de l’image diminue d’un « diaph » (IL) environ alors que les rapports 1 x et 2 x vous font perdre 2 et 3 « diaphs ». Par conséquent, il faut augmenter la sensibilité ISO et/ou le temps de pose : la première option s’avère souvent plus pratique que la seconde, étant donné que la plupart des appareils modernes permettent de passer à 800 ISO (APS-C), voire à 3 200 ISO (24 x 36) sans que la qualité d’image en souffre de façon notable.
A titre personnel, j’opte souvent pour le mode Manuel et l’automatisme de la sensibilité ISO. En sélectionnant une vitesse suffisamment rapide pour arrêter les mouvements du sujet et ceux de moi-même, je parviens ainsi à me concentrer sur la mise au point et la composition. Les mouvements étant très amplifiées aux rapports de reproduction élevés, je n’hésite pas à passer à 1/500 s, voire 1/2000 ou 1/4000 s pour des sujets très remuants (bourdons, papillons en vol), au prix d’une texture d’image plus grossière.
Si la profondeur de champ étant très restreinte, il suffit de peu pour décaler la mise au point et pour obtenir des images complètement floues. Si le taux de réussite n’est jamais très élevé, il est possible de l’augmenter de façon très importante en optant pour le mode Rafale.
Effectuez systématiquement la mise au point sur les yeux d’un insecte. Gardez toujours à l’esprit que le portrait d’un animal obéit aux mêmes règles que le portrait d’une personne.
Pour obtenir une netteté maximale, alignez le sujet avec votre capteur. En contrejour, utilisez votre main pour donner de l’ombre à la lentille frontale de l’objectif. Le traitement multicouche de la plupart des objectifs d’agrandisseur n’est pas aussi perfectionné que celui des objectifs de prise de vue.
Evitez de fermer le diaphragme au-delà de f/8. Dès f/11, la diffraction commence à détruire plus de détails que la plus grande profondeur de champ est à même de révéler. Dernier conseil : amusez-vous !