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Le bokeh : il n’y a point de laides amours

Le bokeh : il n’y a point de laides amours

Parmi les caractéristiques de reproduction des objectifs photo, leur capacité à produire des flous plus ou moins agréables est devenue, pour certains photographes, tout aussi importante que le piqué. Au point de déployer de considérables efforts à la prise de vue et/ou au posttraitement pour optimiser le rendu de leurs images.

Le terme « bokeh », en japonais flou ou brume, a fait sa première apparition au milieu des années 1990. Il englobe différents aspects, à la fois techniques et esthétiques, du rendu des zones hors profondeur de champ. Celui-ci découle à la fois du format du capteur et des caractéristiques de l’objectif (focale, ouverture, forme des lamelles), du sujet (la forme, couleur et texture) et de la lumière (direction et douceur). Les distances entre l’appareil photo, le sujet et l’arrière-plan sont également déterminantes pour le rendu des zones floues : plus l’appareil est proche du sujet et plus ce dernier est éloigné du fond, plus le flou est prononcé.

Si Canon avait développé la technologie Dual Pixel AF en premier lieu pour accélérer la vitesse de mise au point en mode LiveView, l’arrivée du Canon EOS 5D Mark IV a fait naître une fonction fort intéressante. En enregistrant les images dans un format brut particulier (dual pixel raw), il est possible de modifier le rendu de l’arrière-plan à postériori, au sein du logiciel Canon Digital Photo Professional. Si l’effet n’est pas toujours facile à détecter (mieux vaut-il opter pour un téléobjectif lumineux et une grande ouverture), l’outil en question aide à mieux contrôler la position de certains éléments gênants pour ainsi améliorer la composition d’une image.

Une image paraît nette lorsque chaque point du sujet est rendu par un point ; elle paraît floue, lorsque les points se transforment en cercles de confusion plus ou moins larges. Lorsque ces cercles possèdent la même luminosité, ils se mélangent pour former un arrière-plan doux et uniforme. Mais parfois, un ou plusieurs points sont plus lumineux que les autres et trahissent leur forme géométrique : aux grandes ouvertures un disque et aux petites une forme qui reflète celle des lamelles du diaphragme. Pour que le bokeh n’ait pas un caractère intrusif, il est souhaitable que le diaphragme présente une ouverture circulaire. C’est la raison pour laquelle la plupart des objectifs modernes incorporent huit ou neuf lamelles. Toutefois, la forme du diaphragme n’est pas pour autant toujours régulière, car le fut interne peut provoquer un vignetage du cône de lumière qui se traduit par un découpage des cercles en ellipses.

Le choix de l’ouverture plus grande ne garantit pas toujours le bokeh le plus harmonieux, notamment avec des objectifs anciens, plus susceptibles aux aberrations chromatiques. Ici, j’ai opté pour la pleine ouverture, seule à garantir le rendu souhaité dans l’arrière-plan.

Au même titre que le nombre et la forme des lamelles du diaphragme, la formule optique et la correction des aberrations optiques influent directement sur le rendu des zones hors profondeur du champ. Ainsi, les objectifs à focale fixe produisent un bokeh plus harmonieux que ceux à focale variable, les objectifs standards et téléobjectifs des flous plus progressifs que les objectifs grand-angle. L’ajout d’une ou de plusieurs lentilles à surfaces asphériques introduit souvent un bokeh distrayant (nisen-bokeh) qui est pollué par des structures circulaires et des contours dédoublés. Si les objectifs modernes bénéficient d’une meilleure correction des aberrations optiques, ils ne sont pas pour autant mieux lotis pour ce qui est de la douceur des flous. Bien au contraire, la sous-correction de l’aberration sphérique de certains vieux « cailloux » contribue à améliorer le bokeh dans les zones situées à l’arrière du sujet. En revanche, une correction trop zélée de ce défaut est à éviter à tout prix, car elle donne lieu à une distribution du flou qui est plus nerveux à l’arrière-plan et plus doux au premier plan.

Il arrive que le flou d’un objectif soit encensé par certains et voué aux gémonies par d’autres. Ce n’est guère étonnant, étant donné que certaines caractéristiques sont attribuables au sujet et non pas au matériel utilisé. La même optique peut donc se transformer tantôt en docteur Jekyll tantôt en M. Hyde, suivant le sujet et les conditions de prise de vue. Cela dit, un rendu trop particulier prête souvent à controverse – qu’on aime ou qu’on déteste les beignets, bulles de savon et tourbillons produits par certains objectifs vintage, il est certain qu’ils détournent le regard du sujet principal !

Si votre objectif n’est pas particulièrement doué pour le bokeh (c’est le cas de la plupart des objectifs incorporés ou vendus en kit), vous pouvez en améliorer le rendu à postériori. C’est également la voie empruntée par la fonction Portrait des smartphones qui, faute de capteurs plus grands et d’objectifs plus lumineux, peinent à détacher le sujet d’un arrière-plan flou. Pour simuler le bokeh dans un logiciel, on pourrait simplement appliquer un filtre de type Flou gaussien et doser son effet à l’aide d’un masque gradué. Si vous voulez rendre juste aux cercles de confusion (le filtre gaussien les supprime sans crier gare), vous pouvez utiliser les outils du Filtre Galerie d’effets de flou de Photoshop, ou, pour davantage d’efficacité et rapidité, les modules externes Topaz Lens Effects, ON1 Focal Point (dans ON1 Effects) ou Alien Skin Bokeh (dans Alien Skin Exposure). Si ce dernier produit l’effet le plus crédible, nous sommes encore assez loin du rendu généré à la prise de vue. Quoi qu’il en soit, donnez la priorité au sujet et la composition et non pas au bokeh – même avec un objectif ultra lumineux, il est donc souvent plus avantageux de fermer l’ouverture de quelques crans. 

Peut-on faire revivre toute une série d’objectifs vintage ? Oui, si les optiques en question se distinguent en premier lieu par leurs défauts (des aberrations optiques à l’origine d’un bokeh inimitable). La preuve par le formidable succès des objectifs Meyer-Optik Görlitz que certains photographes s’arrachent comme des petits pains, au point de préfinancer leur production. 

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