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La distorsion : une question d’angle (de champ)

La distorsion : une question d’angle (de champ)

Contrairement à la résolution et au contraste, la distorsion d’un objectif est traitée par les opticiens comme un enfant délaissé et pourtant, elle possède de quoi nous compliquer la vie de photographe – en voici les causes et solutions recommandées.

Malgré les impressionnants progrès accomplis ces dernières décennies, la construction d’un objectif est toujours le fruit d’un compromis entre le degré de correction des différentes aberrations optiques et le prix de vente : pour obtenir ce petit quelque chose en plus en matière de qualité optique, le fabricant doit investir bien davantage dans la recherche et le développement, ce qui se répercute irrémédiablement sur le prix de l’objectif.

La distorsion est un défaut optique qui provoque une déformation de la géométrie du sujet photographiée. Il ne faut pas la confondre avec la déformation de perspective qui est d’autant plus importante que la focale de l’objectif et la distance de mise au point sont courtes. La convergence des lignes parallèles qui se produit lorsque l’appareil photo et l’objectif sont inclinés vers le bas (plongée) ou le haut (contreplongée) est un cas d’école pour la déformation de perspective, l’étirement des lignes et objets situés sur les bords d’une image prise avec un objectif super grand-angulaire en est un autre.

Parmi les objectifs, le fish-eye est seul à offrir une perspective curviligne qui applique une forte déformation en barillet à toutes les lignes qui ne traversent pas le centre de l’image. La distorsion des lignes et formes est alors d’autant plus forte qu’elles s’approchent des bords. Notez que les objectifs fish-eye existent en deux versions distinctes : les focales plus longues (15 ou 16 mm en 24 x 36) couvrent intégralement le format alors que les focales plus courtes (7,5 ou 8 mm) produisent image circulaire de 23 mm à l’intérieur du format d’image. S’il est possible de corriger la distorsion à postériori pour obtenir une image qui recouvre peu ou prou les propriétés d’une image prise avec un objectif super grand-angle, il ne s’agit là que d’une solution de secours : d’une part, il est impossible d’anticiper le cadrage de l’image finale et d’autre part, les bords doivent être fortement étirés pour corriger les déformations, y provoquant au passage une perte très importante de la netteté.   

Dans un système optique, l’échelle de reproduction varie à travers le champ de l’image. La distorsion qui en découle est due principalement à la position du diaphragme. Lorsque le diaphragme se situe devant l’objectif, celui-ci produit une distorsion en barillet ; lorsqu’il se situe derrière l’objectif, ce dernier génère une distorsion en coussinet. Dans le premier cas, les objets situés près des bords de l’image paraissent plus petits que ceux situés près du centre, dans le second cas, ils paraissent plus grands. Pour corriger la distorsion, il suffit de positionner le diaphragme au milieu d’un système optique composé de deux groupes symétriques – c’est le cas notamment des objectifs standards « classiques » à six lentilles de type double Gauss et des objectifs grand-angle symétriques de type Hologon. Ainsi, le diaphragme occupe une position postérieure par rapport au premier groupe (ce qui provoque une distorsion en coussinet) et une position antérieure (ce qui provoque une distorsion en barillet) par rapport au second, les deux effets s’annulant mutuellement.

Quand votre image comporte des lignes horizontales et/ou verticales, une compensation de la distorsion et de la déformation de perspective s’impose naturellement. Mais évitez de faire preuve d’un trop grand zèle, sachant qu’une correction trop musclée peut invalider une composition établie avec soin.

Malheureusement, la plupart des objectifs sont construits de façon asymétrique, d’une part pour tenir compte de la présence du miroir (objectifs grand-angle construits suivant la formule rétrofocus de l’opticien français Angénieux), d’autre part pour obtenir une longueur physique qui est inférieure à la longueur focale (téléobjectifs). De même, il est souvent nécessaire de rompre la symétrie pour réaliser des objectifs plus lumineux et/ou dotés de focales variables. Les objectifs zoom souffrent d’une distorsion plus prononcée que les objectifs à focale fixe, faute de pouvoir optimiser la position du diaphragme en fonction de la focale. Aux focales courtes, ils présentent souvent une forte distorsion en barillet, aux focales longues, une distorsion en coussinet. La distorsion peut être si importante qu’elle peut même ruiner certaines photos de paysage ou d’architecture. D’autant plus qu’elle ne s’estompe pas en fermant l’ouverture du diaphragme.

Nous avons aujourd’hui la chance de disposer d’outils informatiques très performants pour corriger la distorsion. Cela semble même avoir incité certains opticiens à concentrer leurs efforts sur la correction des défauts difficiles ou impossibles à compenser par voie logicielle au détriment de la compensation du vignetage et de la distorsion, deux défauts dont l’ampleur est souvent inversement proportionnelle. Si vous travaillez au format Jpeg, il n’y a qu’une simple manipulation dans le menu de votre appareil pour faire disparaitre ces défauts à jamais ; si vous travaillez au format Raw, la correction s’avère parfois aussi simple, et notamment avec un appareil hybride : de nombreux logiciels parviennent à décrypter les informations encodées au sein des fichiers (op codes) et à les appliquer automatiquement aux aperçus et fichiers finaux. Si la correction manuelle peut se faire à l’aide d’un curseur unique, mieux vaut passer par des profils de correction plus complexes, seuls à compenser une distorsion en moustache, composée d’un mélange des deux formes de distorsion, en barillet au centre et en coussinet aux bords, au sein d’une même image. Grâce à ses caractérisations très précises des défauts optiques, la société DxO est passée maître dans l’art de la correction des aberrations chromatiques, du vignetage et de la distorsion. Mais ses deux rivaux Adobe et Phase One proposent des solutions presque aussi efficaces, bien que le nombre d’objectifs pris en charge ne soit pas aussi important. Les amateurs d’objectifs plus anciens et/ou exotiques peuvent se rabattre sur le plug-in PTLens et les aficionados du logiciel libre sur la bibliothèque Lensfun du logiciel Darktable. Dans tous les cas, il est possible d’obtenir une correction efficace de la distorsion, de quoi redresser une ligne d’horizon ou une façade de bâtiment en détresse. Reste à se poser la question de la nécessité d’une compensation systématique étant donné que celle-ci réduit le champ d’image au même titre que la netteté des zones corrigées. De quoi compenser la distorsion uniquement quand elle saute aux yeux de l’observateur !

Les utilisateurs des objectifs Biogon, Hologon ou Grandagon ont tous pris connaissance de l’interaction entre la distorsion et le vignetage, puisqu’il est impossible de réaliser l’objectif « distorsion zéro » sans pour autant atteindre des records en matière de vignetage. Si le vignetage se réduit en fermant le diaphragme, il ne disparaît pas toujours entièrement et sa correction logicielle peut provoquer une montée du bruit. 

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