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La dynamique : une denrée toujours rare

La dynamique : une denrée toujours rare

Bien qu’il s’agisse de deux données indépendantes, la plage de contraste est souvent assimilée à la plage dynamique et inversement. Alors que le premier terme décrit le ratio entre la lumière qui éclaire le sujet et celle qui est réfléchie par la surface avec le taux de réflexion le plus faible, le second définit le ratio entre le signal le plus fort et le signal le plus faible qu’un capteur est à même de reproduire. La plage dynamique d’un capteur, c’est dire sa capacité à distinguer et enregistrer des informations à la fois dans les hautes lumières et les tons foncés est tributaire de la qualité de ses composants ainsi que de celle de ses périphériques.

La restitution des hautes lumières est déterminée par la capacité des photosites à accumuler des électrons. De manière générale, plus la surface d’un photosite est grande, plus il parvient à piéger des électrons. Pour un appareil réflex récent, la limite supérieure se situe à 10 000 électrons. Dans les tons foncés, le signal utile est perturbé par le bruit de lecture qui marque la limite inférieure (noise floor) de la plage dynamique d’un capteur. Le bruit de lecture correspond au seuil à partir duquel le bruit se mélange aux détails au point de les rendre illisibles. En divisant la capacité des photosites à récolter des électrons par la limite inférieure du bruit, il est possible de calculer la plage dynamique réelle, située le plus souvent, à la sensibilité nominale du capteur, entre 10 IL et 12 IL, le signal de saturation étant donc entre 1000 et 4000 fois plus important que le bruit de lecture.

La résolution du convertisseur analogique-numérique, c’est-à-dire la précision avec laquelle s’effectue la conversion, influe directement sur la plage dynamique du capteur. La plupart des boitiers actuels échantillonnent leurs données sur 12 ou 14 bits, ce qui leur permettrait de distinguer 4096 ou 16384 nuances par couche, étalées sur une plage dynamique de 12 ou 14 IL. Malheureusement, il ne s’agit là que d’une valeur théorique, rarement exploitée dans la pratique, car les informations d’image sont noyées dans le bruit, et notamment aux sensibilités les plus élevées. La plage dynamique pratique d’un capteur est donc souvent inférieure à celle, théorique, obtenue par des études de laboratoire. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas si longtemps, il avait été impossible de retrouver autant d’informations dans les tonalités extrêmes d’un fichier Raw. Et quand cela ne suffit pas, il est toujours possible de recourir à l’imagerie à plage dynamique étendue (HDRI) dont les formats de fichier en 32 bits à virgule flottante peuvent accueillir une quantité quasiment illimitée d’informations.

Pour augmenter cette plage, il y a deux marches à suivre, la première consistant à accroitre la sensibilité des photosites et la seconde à minimiser la génération du bruit dans les circuits du capteur et du processeur d’images. Parmi les différentes mesures destinées à améliorer l’efficacité quantique des capteurs, citons l’architecture BSI (Back Side Illumination) qui déplace les circuits à la face arrière du capteur pour ainsi augmenter la surface utile des photosites par rapport à celle des électrodes métalliques et les couches diélectriques du capteur. Les appareils Sony A7R III et Nikon

D850, par exemple, utilisent des capteurs « illuminés par l’arrière » qui se distinguent à la fois par une plage dynamique étendue et un excellent rapport signal sur bruit aux sensibilités ISO même élevées. Par ailleurs, Sony a été aussi un des premiers fabricants à incorporer le convertisseur analogique-numérique au sein du capteur pour minimiser le bruit de lecture, et notamment le bruit structurel permanent, dans les tons foncés.

Si vous comparez deux capteurs à densité de pixels équivalente, l’exemplaire aux dimensions plus importantes bénéficie d’un meilleur rapport signal sur bruit et d’une plage dynamique plus étendue. De même, un capteur contemporain offre presque toujours des performances plus élevées que son alter ego plus ancien, étant donné que l’architecture des microlentilles et la puissance de calcul des circuits n’ont cessé de se bonifier au fil des années. Toutefois, les avis divergent fortement quant il s’agit d’évaluer les prestations d’un ensemble capteur-appareil photo. Tout d’abord, la plage dynamique diminue progressivement au fur et à mesure que la sensibilité ISO augmente, au point de se réduire en peau de chagrin. Ensuite, elle varie aussi en fonction de l’exposition, tout écart par rapport à l’exposition « idéale » étant susceptible à en limiter l’étendue. Enfin, cette dernière émane aussi du format d’enregistrement des images — pour mettre toutes les chances de votre côté, travaillez en Raw puis épuisez, dans votre logiciel de développement, toutes les possibilités en matière de récupération des hautes lumières et des tons foncés.

La technique HDR ne doit pas être considérée comme une solution universelle pour tous les problèmes de dynamique. Il faut l’appliquer avec discernement pour que le rendu des images ainsi produites reste suffisamment réaliste et crédible.

Le dépassement de la plage dynamique du capteur par la plage de contraste du sujet provoque l’apparition de zones d’ombres bouchées et/ou de zones claires brulées. S’il est possible d’en retrouver certaines informations à postériori, la récupération se fait souvent au détriment de la qualité d’image puisqu’elle génère du bruit et du « banding » dans les tons foncés ainsi que des aplats et des fausses couleurs dans les hautes lumières.

En fonction de la distribution des tonalités dans l’image, mieux vaut donc intervenir dès la prise de vue. Lorsque cette distribution est linéaire (le premier plan est alors beaucoup plus sombre ou clair que l’arrière-plan), utilisez un filtre gris neutre dégradé ou passez à la prise de vue, puis la fusion manuelle de deux images respectivement exposées pour le premier plan et l’arrière-plan. Lorsqu’elle est non linéaire (les tonalités claires et sombres sont alors présentes à travers toute l’image), employez un réflecteur, diffuseur ou flash en mode fill-in ou prenez une série d’images « bracketées » en vue de leur fusion automatique dans un utilitaire HDR.

Pour produire une image avec des informations pleines et entières, évitez des écueils du genre « garbage in, garbage out” (à données inexactes, résultats erronés). Accordez toujours la priorité à la prise de vue, en veillant à bien exposer vos images. Au lieu de céder à la facilité des « presets » et autres réglages automatiques, apprenez à bien connaitre votre appareil photo et sa réaction face à différentes conditions d’éclairage. Gardez à l’esprit que la plage dynamique, aussi étendue soit-elle, ne fait pas tout : savoir écrire avec la lumière signifie aussi d’en percer les secrets pour l’apprivoiser.

Si les appareils photo progressent régulièrement au point de pouvoir rattraper un jour la perception de l’œil humain, les supports d’affichage et d’impression sont encore loin de reproduire toutes les nuances. Actuellement, le rapport de contraste d’un écran est compris entre 500 :1 (9 IL) et 1000 :1 (10 IL) et celui d’un tirage photo ou jet d’encre entre 50 : 1 (5 IL) et 250 :1 (8 IL).

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