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La netteté : aubaine ou fléau ?

La netteté : aubaine ou fléau ?

Prise de vue et post-traitement sont deux faces de la même médaille. Dans la série Convergences, Volker Gilbert explore les différents éléments dont l’importance ne faiblit pas au long de la chaîne d’image. Nous entamons cette rubrique en évoquant la netteté. Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? Pour beaucoup de photographes, la netteté des images constitue le critère de choix le plus important. Reste à la maintenir tout au long du flux de production.

Il suffit d’observer les visiteurs d’une expo photo pour se convaincre que les photographes forment bien une tribu à part : au lieu de l’admirer d’un seul coup d’œil, à une distance appropriée, nombreux sont ceux qui approchent une œuvre le nez presque collé dessus pour en scruter le moindre détail et la moindre trace d’imperfection. Hormis l’époque du pictoralisme, pendant laquelle la photographie marchait dans les pas de la peinture, la netteté a toujours été un des attributs majeurs pour juger de la réussite technique d’une image. Il existe de nombreux facteurs qui influent sur la richesse des détails, réelle ou apparente, d’une image et malheureusement il n’est pas toujours facile de conjuguer leurs effets sans qu’ils ne s’atténuent ou s’annulent mutuellement.

De l’importance de l’optique

Dans un premier temps, la netteté d’une image est tributaire de l’objectif, du capteur et du processeur d’image de l’appareil photo. Plus ces composants sont performants, plus les résultats obtenus seront qualitatifs. L’objectif est la partie la plus importante d’un appareil photo. Vous aurez beau équiper ce dernier du meilleur capteur et du processeur d’image le plus sophistiqué, il n’en fera pas pour autant des images d’un piqué irréprochable si l’objectif n’est pas à la hauteur. Hormis la correction des principales aberrations optiques, les meilleurs objectifs contemporains offrent une grande capacité à enregistrer des fins détails (résolution) et des variations de luminosité (contraste) alors que les objectifs plus anciens n’en font pas autant. Souvent dotés de la double personnalité d’un Dr Jekyll et Mr Hyde, ces derniers sont mous aux grandes ouvertures pour ne devenir piqués qu’après avoir « vissé » le diaphragme de quelques valeurs d’ouverture. Hormis l’objectif, le capteur pèse lourdement sur la restitution des détails : celle-ci est d’autant plus riche que les photosites sont nombreux ! Toutefois, sa dotation en pixels ne représente qu’un côté de la médaille, de l’autre se trouve l’architecture du capteur : pourvu d’une matrice Bayer et/ou d’un filtre passe-bas, il gomme bon nombre de petits détails, doté de l’architecture Foveon ou de la matrice X-Trans, il en assure l’abondance. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le rôle du processeur d‘image : sollicité pour produire des JPEG, celui-ci en accentue les bords tout en augmentant le contraste. Cependant, plus il atténue le bruit, plus il réduit aussi la netteté des images. S’il est possible de désactiver l’accentuation dans le menu de l’appareil photo, il faudra de toute manière effectuer cette opération à postériori, dans un éditeur d’images (JPEG) ou un logiciel de développement (RAW).

L’accentuation d’une image argentique numérisée s’avère particulièrement délicate, due à la présence d’une texture granuleuse plus ou moins prononcée. Pour ne pas renforcer cette dernière, mieux vaut l’appliquer, comme ici, à travers un masque qui protège les aplats.  

S’il n’existe pas de « voie royale » unique menant à des images finales parfaitement nettes (la part de l’expérience demeure la plus importante dans le processus), sachez qu’il faut retarder le plus possible cette opération cruciale, avec pour seule exception la préaccentuation, effectuée au sein du logiciel de développement RAW et visant à neutraliser les effets du dématriçage. D’une part, rien ne sert à accentuer une image avant d’y réduire le bruit et d’autre part, seule la fin de la correction des tonalités et des couleurs vous permettra d’évaluer les besoins de votre image en matière d’accentuation.

Une idée fausse très répandue veut que l’accentuation ajoute des détails supplémentaires aux images. Cela n’est pas le cas, aucun détail ne pouvant être fabriqué qui n’ait été enregistré par le capteur. L’accentuation n’est finalement qu’une opération de calcul plus ou moins sophistiquée visant à exacerber les nuances de luminosité dans les détails et structures de l’image. Son secret consiste à augmenter le contraste, là où se présentent deux pixels de luminosité différente, pour ainsi donner l’impression, ou plutôt l’illusion, d’une netteté accrue.

Quand faut-il accentuer ses images ?

Gardez à l’esprit que la netteté n’est pas une fin en soi. De même, elle n’est pas le fruit exclusif de votre matériel de prise de vue et de vos logiciels d’image, quelles que soient leurs qualités. Pour obtenir des résultats à la hauteur de vos espérances, encore vous faudra-t-il utiliser vos outils à bon escient. Le choix de la vitesse d’obturation en fonction du mouvement du sujet et l’élimination du flou de bougé restent alors primordiaux pour maximiser la netteté — une motivation de plus pour vous familiariser avec les bases de la prise de vue ! 

Le taux d’accentuation dépendra du contenu de votre image : si les zones de « haute fréquence » (détails) peuvent être renforcées en toute impunité, les zones de « basse fréquence » (aplats) doivent être mises en valeur avec davantage de discrétion, imposant souvent une application sélective de l’accentuation et de la réduction du bruit. 

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