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La profondeur de champ : le dernier bastion de la photo “sérieuse” ?

La profondeur de champ : le dernier bastion de la photo “sérieuse” ?

Abstraction faite des reproductions de documents, tous les sujets sont tridimensionnels alors que le plan d’image n’est que bidimensionnel. Dans ce contexte, un objectif ne produit une image nette que sur le seul plan utilisé pour effectuer la mise au point. Mais en pratique, la fermeture du diaphragme permet de créer l’illusion d’une netteté plus étendue, pour peu que l’image ne soit pas fortement agrandie. La profondeur de champ varie alors considérablement en fonction de l’ouverture choisie, de la distance séparant le sujet de l’appareil et de la focale de l’objectif. Si une faible profondeur de champ se traduit par une zone floue au premier plan et à l’arrière-plan, une grande profondeur de champ donne une image dont tous les plans sont nets.

Primo, plus l’ouverture est petite, plus la profondeur de champ est grande. La meilleure façon de la réduire consiste à utiliser une grande ouverture, f/2, 8 par exemple, tandis que son augmentation est obtenue en utilisant une faible ouverture, f/16, par exemple. Toutefois, la fermeture du diaphragme n’augmente pas seulement la profondeur de champ et la netteté, grâce à une meilleure correction des aberrations optiques, mais également la diffraction dont les effets nuisent progressivement à la netteté des images. Pour tirer le meilleur parti de la profondeur de champ sans perte notable de piqué, mieux vaut ne pas « visser » au-delà de f/16 (24 mégapixels) ou f/11 (50 mégapixels) avec un boitier à capteur 24 x 36. Mais sachez que tout dépend de la conception de l’objectif et du grandissement : une photo de paysage ne souffre pas autant des effets de la diffraction qu’une photo macro.

Le pouvoir de séparation de l’oeil humain est limité. Pour peu que le diamètre des cercles de confusion ne dépasse pas 2 minutes arc (ce qui correspond à deux fois l’acuité visuelle de l’oeil), l’oeil les considère encore comme des points nets. En photo argentique, on admet généralement un cercle de confusion dont le diamètre est égal à 1/1500 de la focale standard : cela correspond à 0,03 mm pour le format 24 x 36 mm, 0,02 mm pour le format APS-C et 0,016 mm pour le format Micro 4/3. Toutefois, cette valeur ne tient pas compte des exigences plus importantes des photographes numériques et notamment des amoureux des grands tirages. Pour ne pas rester sur sa faim, mieux vaut adopter un cercle de confusion au moins deux fois plus petit qui permet d’obtenir une résolution deux fois plus importante. Sous condition d’utiliser un objectif haut de gamme et une technique de prise de vue irréprochable.

Secundo, plus la distance entre le sujet et l’appareil photo est grande, plus la profondeur de champ est étendue. Avec un appareil au format 24 x 36, un objectif 50 mm et une ouverture de f/5,6, elle s’étend entre 9,78 m et l’infini avec un réglage sur l’infini, entre 3,74 et 7,53 avec un réglage sur 5 m et entre 0,94 et 1, 07 avec un réglage sur 1 m. Aux distances les plus proches, la profondeur de champ fond comme neige au soleil : si elle mesure encore 3,79 m à 5 m, son étendue se réduit à seulement 13 cm une fois l’objectif réglé sur une distance d’un mètre.

La technique du focus stacking permet d’étendre la profondeur de champ de façon considérable : pour saisir tous les petits détails de ce bourdon engourdi par la fraicheur de la nuit passée, j’ai pris pas moins de quarante images à mise au point décalée.

Tertio, la profondeur de champ est inversement proportionnelle à la focale de l’objectif pour une même ouverture du diaphragme et une distance de mise au point donnée. Elle est alors d’autant plus étendue que la focale est courte, et inversement. Avec un objectif grand-angle, la profondeur de champ est donc plus grande qu’avec un objectif standard et, à plus forte raison, qu’avec un téléobjectif. Toutefois, contrairement à certaines idées reçues, un grand-angle n’offre pas d’emblée une profondeur de champ plus large : en vous approchant du sujet de façon à lui donner la même dimension dans l’image, l’étendue des zones est aussi importante qu’avec un téléobjectif, avec pour seules différences la perspective et l’étendue du champ embrassé.

Pour un même angle de champ, la profondeur de champ est proportionnelle au format du capteur. Avec un capteur plus grand, il faut choisir une focale plus longue ou une distance plus proche pour obtenir le même cadrage qu’avec un capteur plus petit. L’augmentation du format entraine donc une réduction de la profondeur du champ, indispensable pour obtenir de jolies transitions entre le flou et le net. Pour reproduire la même profondeur de champ qu’un objectif 135 mm f/2 (format 24 x 36), il faudrait choisir un objectif 89 mm f/1,4 (format APS-C) ou 68 mm f/1 (format Micro 4/3), d’ou la difficulté d’obtenir une faible profondeur de champ avec un petit capteur — nous n’avons même évoqué la situation avec des capteurs encore plus petits, par exemple ceux des téléphones portables ! En revanche, il n’est pas nécessaire de diaphragmer autant pour obtenir une profondeur de champ équivalente : au lieu de f/11 (24 mm, 24 x 36), vous pouvez passer à f/8 (16 mm, APS-C) ou même à f/5,6 (12 mm, Micro 4/3) !

Au-delà des considérations techniques, la profondeur de champ est un outil au potentiel créatif très important. Le regard étant plus facilement attiré par la présence de détails que par leur absence, vous pouvez vous servir de la profondeur de champ pour guider le spectateur à travers l’image. Une profondeur étroite aide alors à isoler le sujet et à en mettre en valeur les détails. Les utilisateurs de smartphones en savent quelque chose : avec un petit capteur, il est virtuellement impossible de gérer la distribution de netteté, toute l’image étant rendue nette ou presque. Les « vrais » appareils photo, équipés de grands capteurs, ont donc encore de beaux jours devant eux !

En effectuant la mise au point sur l’infini, la netteté s’étend en direction de l’appareil photo jusqu’a une certaine distance, appelée « hyperfocale ». C’est elle qui permet de tirer le meilleur parti de la profondeur de champ puisqu’en réglant l’objectif sur cette distance, tous les plans du sujet compris entre l’infini et la moitié de la distance hyperfocale seront nets.

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