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L’aberration chromatique : une aberration, ces couleurs !

L’aberration chromatique : une aberration, ces couleurs !

Au cours de ces dernières années, les fabricants ont réalisé des progrès notables en matière de conception d’objectifs : plage focale plus étendue, luminosité en hausse, stabilité accrue et poids en baisse, les optiques modernes offrent des performances comme jamais auparavant. Toutefois, aujourd’hui encore, il est impossible d’échapper aux lois de l’optique, et notamment à celle qui rend compte de la dispersion de la lumière blanche lorsqu’elle traverse des lentilles. Rappelons que la lumière visible se compose, en termes simplifiés, des trois couleurs additives rouge, bleu et vert. Lors du passage à travers une matière différente, par exemple une lentille, la lumière blanche est décomposée en ses trois couleurs de base. Les rayons à ondes courtes (bleu) sont alors plus forcement réfracté que ceux à ondes moyennes (vert) et onde longues (rouge), créant pour chaque couleur une longueur focale différente. L’aberration chromatique longitudinale, aussi appelée bokeh fringing dans la littérature anglo-saxonne, produit le plus souvent des franges magenta en amont et des franges vertes en aval du point focal. Étant donné qu’elle augmente avec la focale, le phénomène touche en premier lieu les téléobjectifs, et notamment ceux avec une grande luminosité. Les aberrations chromatiques ne se produisent pas seulement le long de l’axe optique : lorsque les rayons périphériques de différentes longueurs d’onde se rencontrent dans le même plan, mais dans différents points focaux, ils génèrent là encore des franges colorées qui nuisent grandement à la qualité de l’image. À la différence de l’aberration chromatique longitudinale, l’aberration chromatique latérale ou transversale affecte surtout les objectifs fish-eye et grand-angle et la fermeture du diaphragme reste sans effet.

Le signe « Apo » désigne un Apochromat, c’est-à-dire un objectif qui assure des focales identiques pour au moins trois longueurs d’onde dans le spectre visible entre 400 et 700 nanomètres. Si certains fabricants tels que Zeiss, Leica, Rodenstock et Schneider prennent cette définition au pied de la lettre, d’autres font de ce terme une utilisation inflationniste. Devant l’absence d’une norme ISO, il est donc impossible de tirer des conclusions quant à la qualité d’image d’un objectif apochromatique, et notamment lorsqu’il s’agit d’un spécimen à prix raisonnable. Au temps des objectifs manuels, il y avait un signe qui ne trompait pas : les « véritables » objectifs Apo ne portaient plus d’indices de correction infrarouge sur la bague des distances — c’était normal puisque la correction des aberrations chromatiques s’étendait même au-delà du spectre visible.

Heureusement, tous les objectifs photo se composent de plusieurs éléments optiques : en associant deux lentilles dotées de différents indices de réfraction, il est possible de faire converger les rayons rouges et bleus sur un même plan focal. En augmentant le nombre d’éléments tout en associant différents types de verre, il est possible de minimiser les dégâts. Toutefois, l’aberration chromatique résiduelle, autrement nommée « spectre secondaire », continue à se manifeste dans l’image par des franges colorées ainsi que par un manque de contraste et de piqué. Pour éliminer le spectre secondaire et pour ainsi obtenir une correspondance parfaite des trois couleurs, il faut employer des verres spéciaux. Ces derniers se distinguent à la fois par un indice de réfraction très élevé et une dispersion partielle anormale. Selon la marque de l’objectif, les lentilles à verre spécial portent par exemple les sigles ED (Nikon), LD (Tamron), SLD (Sigma) ou ULD (Mamiya). Notez que Canon est un véritable précurseur dans ce domaine : dès la fin des années 1960, la société nippone commercialise les premiers téléobjectifs dotés de lentilles à fluorure de calcium avec lesquelles la suppression quasi totale du spectre secondaire est enfin à portée de main. Les téléobjectifs de la série L utilisent en revanche un mélange de lentilles en fluorure de calcium et verres à dispersion partielle anormale (UD et Super UD), plus résistants, mais tout aussi efficaces.

Dans le domaine des supertéléobjectifs, la correction des aberrations chromatiques passe obligatoirement par des verres spéciaux très onéreux — avec pour seule exception les objectifs à miroirs (ici un 500 mm) qui échappent, par leur conception, au défaut.

Si les objectifs apochromatiques sont beaucoup plus performants que les objectifs conventionnels (une qualité parfaite est obtenue dès la pleine ouverture), ils sont aussi bien plus chers. C’est là que le traitement numérique peut rendre d’inestimables services à tous ceux qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. D’une part, de nombreux boitiers sont à même de corriger les principaux défauts optiques (et donc l’aberration chromatique) à la prise de vue, sous condition de choisir le Jpeg. D’autre part, les Raw peuvent être facilement corrigés dans la plupart des logiciels de conversion. Si la correction des aberrations latérales se passe généralement sans heurts, grâce à des automatismes intelligents, la correction des aberrations longitudinales s’avère plus délicate et nécessite parfois même une intervention localisée. Reste à remarquer qu’une séance de nettoyage de franges ne se solde pas toujours par une victoire décisive — débarrassées de leurs couleurs, les franges continuent à ramollir les contours et donc à nuire à l’impression de piqué. De quoi investir d’emblée dans des objectifs de qualité !

Les franges pourpres sont une autre forme d’aberration chromatique qui se manifeste surtout par des franges pourpres ou magenta qui se dessinent le long des contours de contraste élevé, avec des sujets placés devant un arrière-plan beaucoup plus lumineux et/ou saisis avec une grande ouverture. Si leur origine n’a pas été établie de manière certaine, elles font sans doute partie des aberrations chromatiques longitudinales. Leur correction logicielle n’étant pas aisée, mieux vaut les éviter à la prise de vue : sous-exposez légèrement et/ou fermez le diaphragme d’un cran ou de deux.

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