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Canon EF 28-70 mm f/3,5-4,5 II : peut-on cuisiner dans d’aussi vieux pots ?

Canon EF 28-70 mm f/3,5-4,5 II : peut-on cuisiner dans d’aussi vieux pots ?

L’augmentation de la résolution des capteurs entraîne aussi celle des objectifs. Pour satisfaire les exigences des capteurs actuels, les optiques doivent ainsi distinguer davantage de détails et surtout mieux corriger différentes aberrations optiques que le numérique tend à aggraver : vignetage, aberrations chromatiques et reflets parasites.

On pourrait alors penser que seules les optiques les plus prestigieuses et les plus récentes soient aptes à répondre aux impératifs de la photographie numérique “haute fidélité”. Canon, pour ne citer que lui, se désengage depuis de nombreuses années du renouvellement de ses objectifs de milieu de gamme. Seules les références de série L, aussi onéreuses que performantes, ont bénéficié d’un remaniement visant leur mise en conformité avec les capteurs contemporains. Si certains objectifs macro et télé plus anciens semblent avoir échappé à l’obsolescence, les objectifs grands angulaires sont assez désuets pour peu qu’ils ne soient pas estampillés du sigle L.

Vieille grange, Murbach/Haut-Rhin, Canon 5D Mark II, EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II, f/6,7, 1/60s à 1000 ISO.


Visant à alléger mon sac photo lors de mes errances printanières, j’étais récemment à la recherche d’on objectif transstandard léger, apte à compléter un ensemble composé d’un boîtier Canon EOS 5D Mark II et deux objectifs, Voigtländer Color-Skopar 20 mm f/3, 5 et Canon EF 135 mm f/2 L USM ou 100 mm f/2, 8 Macro (au choix). J’avais rapidement éliminé un certain nombre de références : Canon EF 24-105 mm f/4 L IS USM (trop onéreux), 24-70 mm f/2, 8 L USM (idem et trop lourd et encombrant), 28-70 mm f/2, 8 L USM et 28-80 mm f/2, 8-4 L USM (trop lourds et volumineux, trop risqué pour le dernier, discontinué depuis des lustres…). Il était également hors de question d’investir dans un objectif d’un fabricant tiers, ayant fait de mauvaises expériences avec deux objectifs Sigma, d’une fiabilité douteuse.


Lors d’une balade en Allemagne, j’avais déniché une occasion intéressante : un boîtier Canon EOS 600, accompagné d’un objectif Canon EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II. Proposé à un tarif particulièrement alléchant (39 euros), surtout compte tenu du bon état de cet ensemble, je n’ai pas pu résister. De retour à la maison, il ne me restait qu’à parquer le boîtier dans une valise abritant mes vieux appareils argentiques et à fouiller dans mes archives pour trouver un vieux dépliant de l’illustre magazine Chasseur d’Images qui répertorie et évalue les zooms transstandards du début des années 90. Et, surprise, cet objectif fort discret était alors un des rares à décrocher une quatrième étoile pour ses performances optiques.

Printemps près d’Orbey, Haut-Rhin, Canon 5D Mark II, EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II, f/13, 1/45s à 400 ISO.

Selon la publication “L’art de l’image”, parue en 1991, l’ EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II fait partie de la première trentaine d’objectifs du système Canon EF accompagnant l’appareil phare de l’époque, le Canon EOS 1. Les moteurs USM étaient alors peu communs et quasiment toujours réservés aux fameuses télés habillées en blanc. À noter qu’il existe deux versions de cet objectif qui coiffait souvent d’office un des appareils de la série 600 : le modèle I, produit pendant seulement quelques mois, fut rapidement remplacé par le II, qui bénéficie selon Chasseur d’Images d’un piqué plus homogène, grâce au déplacement de l’unique élément asphérique.

Réalisation optique et mécanique

Pour la construction mécanique, partagée par les deux versions de l’objectif, le bilan est assez mitigé. Certes, l’objectif arbore une solide baïonnette en métal et des matériaux en plastique de bon aloi, mais la fluidité des bagues est tout sauf exceptionnelle : la bague de zoom possède un point dur autour de 50 mm et la bague de mise au point n’est pas moins râpeuse que celles de ses confrères de la première série EOS dont certains sont toujours commercialisés à ce jour (EF 24 mm f/2, 8, 28 mm f 2,8, 35 mm f/2, 50 mm f/2, 5 Compact Macro et 135 mm f/2, 8 Softfocus). Tout comme eux, l’objectif incorpore un moteur AFD (arc form drive) de première génération, d’une sonorité déconcertante. Que ce soit en mode automatique ou en manuel, la mise au point est peu confortable, mais elle bénéficie tout de même d’une précision et d’une rapidité convenable, même lorsque l’objectif est associé à un boîtier récent (EOS 5D Mark II). Le passage entre les deux modes s’effectue par un interrupteur.

La baïonnette est en métal.

Au même titre que l’EF 28-80 mm f/3, 5-5, 6 USM de la même époque, l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II souffre d’un défaut fâcheux qui rend l’utilisation des filtres et du bouchon d’objectif très délicate : le filetage se trouve à l’avant d’un fut d’objectif qui évolue à l’intérieur d’un autre. Suivant la focale et la mise au point, la bague du filtre adapté devient inaccessible, gênant l’utilisation d’un filtre polarisant. Qui plus est, certains bouchons d’objectif se détachent, éjectés par l’action du fut intérieur. Il s’agit d’une drôle de conception. Bien heureusement, le pare-soleil (EW-68 A) se greffe sur une petite rainure, située sur le fût extérieur. Acheté à part, il m’a coûté en revanche plus cher que l’ensemble appareil et objectif…

Le pare-soleil se greffe directement sur le fût externe.

À sa sortie, l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 était une des rares optiques à intégrer un élément asphérique moulé. Dans certaines conditions d’éclairage, il est même possible d’en apercevoir les cercles concentriques, trahissant l’usinage particulier de la lentille.

Qualité optique

Si sa construction mécanique est assez éloignée de celle d’un objectif haut de gamme, les performances de l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II sont en revanche d’un niveau élevé et notamment lorsqu’on prend en considération son age presque “biblique”. À titre personnel, je ne l’ai utilisé que sur deux appareils à capteur plein format, car sa plage de focales est peu alléchante lorsqu’il est associé à un appareil à capteur APS-C. Toutefois, le site Photozone.de propose un test de l’objectif qui lui atteste des performances très convenables lorsqu’il est utilisé sur un appareil à capteur APS-C de 8 mégapixels.

Vieux wagon, Hachimette/Haut-Rhin, Canon 5D Mark II, EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II, f/8, 1/500s à 400 ISO.

Piqué

Les premiers utilisateurs d’appareils reflex “full frame” dressaient un sinistre constat : provoqué par l’architecture de microlentilles et l’angle oblique des rayons périphériques, il était simplement impossible d’obtenir un piqué homogène sur tout le champ photographié avec un objectif grand-angulaire. La périphérie de l’image restait incurablement floue et souffrait également d’un vignetage marqué. Si la situation actuelle n’est plus aussi désespérée, grâce au développement de nouvelles optiques plus performantes et mieux adaptées aux capteurs, la plupart des objectifs arborent toujours un rendu hétérogène. Ainsi, il faut “visser” le diaphragme de quelques crans pour que le piqué des bords se mette au diapason de celui du centre. Si les performances de l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II sont tout à fait honorables à pleine ouverture, l’objectif souffre tout de même d’une sous-correction des aberrations sphériques (un comble, vu la présence d’une surface asphérique censée les corriger…) qui superpose un léger flou à l’image, notamment à la focale la plus longue, ou le défaut se manifeste aussi par des franges bleues. De même, il est facile de mettre en évidence une perte de piqué dans les angles : en fermant le diaphragme à f/8, on obtient une image parfaitement exploitable, mais il faut fermer à f/11 pour une couverture (presque) parfaite. Les bords extrêmes de l’image (représentant moins de 5 % de la surface) demeurent un peu doux, et ce, quelle que soit l’ouverture. Le réseau de microlentilles du EOS 5D Mark II contribue au moins en partie à ce phénomène — avec un vieux EOS 1Ds de première génération, celui-ci reste fort discret, même agrandi à la taille réelle des pixels (100 %). La diffraction intervient en revanche assez tardivement — il faut fermer le diaphragme au-delà de f/16 pour détecter une dégradation du piqué, ce qui permet de maximiser la profondeur du champ pour certaines photos de paysage et d’architecture.

Rochers et neige, Lac Blanc/Haut-Rhin, Canon 5D Mark II, EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II, f/13, 1/45s à 100 ISO.

Distorsions, vignetage et aberrations chromatiques

La distorsion est plutôt marquée à 28 mm (distorsion à barillet) et décroît ensuite pour devenir peu sensible à la focale la plus longue (distorsion à coussinet). Quant au vignetage, il est particulièrement sensible (et gênant) à pleine ouverture, surtout aux focales extrêmes. S’il devient négligeable dès f/8, il résiste tout de même aux ouvertures les plus fermées. Les aberrations chromatiques latérales sont finalement assez bien maîtrisées pour une optique aussi ancienne. En plus, elles se corrigent facilement dans la plupart des logiciels de développement RAW. À noter que ni PTLens ni DxO Optics Pro ni Camera Raw/Lightroom ne proposent un profil de correction optique pour ce “vieux baroudeur”. Pour remédier à cette situation, j’ai créé un profil de correction “automatique” pour Lightroom 3, Camera Raw 6 et/ou Photoshop CS5. Le lien de téléchargement figure à la fin de l’article.

Maison de vigneron, Eguisheim/Haut-Rhin, Canon 5D Mark II, EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II, f/6,7, 1/750s à 400 ISO.

Flare et Reflets parasites

Dirigé vers le soleil, l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II produit une chaîne de reflets assez distincts, dont l’intensité décroit au fur et à mesure que la focale s’allonge. Le pare-soleil semble être particulièrement efficace entre 50 et 70 mm, mais même aux focales plus courtes sa protection est satisfaisante pour peu que l’objectif ne se situe pas face au soleil. Attention cependant aux situations dans lesquelles le soleil se trouve tout juste à l’extérieur du champ photographié : le flare est alors assez important.

Bokeh

Avec ses six lamelles, ses ouvertures modestes et son élément asphérique, l’objectif n’est pas prédisposé à produire un magnifique rendu des parties hors profondeur du champ. Il n’est donc guère surprenant que le bokeh manque de naturel et que les zones floues paraissent assez nerveuses et peu harmonieuses. En périphérie, les cercles de diffusion, caractéristique, des sources lumineuses sont déformées en ellipses. A noter que l’objectif n’est guère à l’aise en photo de nuit : il est impossible de transformer des sources lumineuses en étoiles et le bokeh n’est pas vraiment esthétique.

En guise de verdict

Les vingt dernières années ont vu pléthore d’objectifs zoom transstandards, provenant à la fois de Canon et des fabricants indépendants (Sigma, Tokina et Tamron). La plage de focales entre 28 et 70 mm est même devenue parfaitement banale et uniquement intéressante en plein format et sous condition de compléter l’objectif par deux autres zooms super grand angle et télé. La plupart des objectifs plus récents proposent une plage plus étendue et bien plus” universelle”, une luminosité supérieure et/ou un stabilisateur d’image.
On pourrait s’interroger sur l’intérêt d’investir dans un objectif si fruste alors que les transstandards contemporains possèdent des caractéristiques ô combien plus intéressantes ! Je tiens simplement à démontrer que certains objectifs plus anciens, par ailleurs parfaitement compatibles avec les appareils reflex numériques actuels, peuvent répondre à des besoins précis : dans mon cas, l’allègement ponctuel du sac photo. Par ses caractéristiques et performances, l’EF 28-70 mm f/3, 5-4, 5 II ne remplace pas ma panoplie d’objectifs dont la plupart offrent un meilleur piqué : mais avec le Color-Skopar 20 mm et un de mes objectifs 100 ou 135 mm, il constitue un ensemble léger et compact pour certaines de mes randonnées photo, solitaires ou en famille.
Si vous êtes comme moi à la recherche d’un zoom transstandard à la fois compact et léger pour votre Canon à capteur plein format, pensez aussi aux EF 24-85 mm f/3,5-4,5 USM, EF 28-105 mm f/3,5-4,5 II USM, toujours commercialisés. Quant aux EF 28-80 mm f/3,5-5,6 USM et EF 28-105 mm f/3,5-4,5 USM, on les trouve couramment sur le marché d’occasion. Évitez toutefois les autres versions dotées des focales 28 -80 , 28-90, 28-105 et 35-80 mm : souvent proposés en kit avec les appareils reflex argentiques d’entrée de gamme, leurs performances optiques sont assez catastrophiques en numérique…

Caractéristiques techniques

Plage de focales : 28-70 mm (équivalent 45 – 112 mm sur un reflex au format APS-C)

Ouverture maximale: f/3,5 (28 mm) à f/4,5 (70 mm)

Ouverture minimale : f/22 (28 mm) à f/27 (70 mm)

Construction optique : 10 éléments en 9 groupes, 1 élément asphérique, diaphragme à 6 lamelles

Angle de champ: 75 ° à 34 ° (24×36)

Mise au point : manuelle ou automatique (moteur AFD), interrupteur pour le passage au mode manuel

Distance minimale de mise au point : 0.5 m, 0,38 m en position macro

Diamètre de fixation pour filtre : 52 mm

Longueur : 75, 6 mm

Poids : 285 g

Prix (occasion) : inférieur à 100 euros

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