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La macro à peu de frais – troisième partie

La macro à peu de frais – troisième partie

Autrefois utilisés dans la chambre noire, les objectifs d’agrandissement sont désormais fréquemment bradés pour une poignée d’euros. Pourtant, il s’agit d’optiques de performances souvent très élevées, rivalisant avec celles des meilleurs objectifs macro dédiés. Voici comment les choisir.
Rappelons que les objectifs d’agrandissement n’ont pas été conçus pour une utilisation à l’infini. Optimisés pour des rapports de reproduction supposant un tirage nettement plus long que leur focale, ils offrent des performances optimales aux agrandissements compris entre 2 et 10 fois, mais avec une trajectoire inverse des rayons lumineux par rapport aux objectifs de prise de vue, le sujet, c’est-à-dire le négatif à agrandir, étant situé du côté de la lentille arrière de l’objectif.

Canon EOS 5D Mark III, objectif d’agrandissement Fujinon -EX 75mm f/4,5 + tube allonge hélicoïdal, 1/800 s à f/5,6, 800 ISO.

En théorie au moins, il faudrait donc inverser un objectif d’agrandissement pour ainsi rectifier le cheminement de la lumière et tirer parti de son meilleur piqué ; dans la pratique, il est tout à fait possible de l’utiliser tel quel pour peu que le rapport de reproduction ne soit pas trop important. En fait, les objectifs les mieux corrigés possèdent une formule de type Plasmat ou Planar, quasi symétrique et peu sensible à la modification du rapport de reproduction, avec pour résultat une qualité optique élevée et constante, à même de s’adapter à une plage d’utilisation très étendue.

Qualité optique

Par définition, la vocation première d’un objectif d’agrandissement était de restituer fidèlement l’image enregistrée sur un négatif noir et blanc ou couleur. Il fallait donc qu’il soit d’une « neutralité » aussi parfaite que possible pour ne pas ajouter des défauts optiques à ceux préalablement enregistrés par l’objectif de prise de vue.

De manière générale, la distorsion est parfaitement maitrisée, avec des valeurs qui ne dépassent que rarement 0,5 %.

Le vignetage s’estompe progressivement pour devenir nul aux ouvertures de travail, comprises entre f/5, 6 et f/11.

Alors qu’on tolère souvent à la prise de vue un piqué hétérogène entre le centre et les bords de l’image (le sujet principal occupant souvent la partie centrale du cadre), un objectif d’agrandissement se doit de restituer la texture du grain du film sur toute la surface de celui-ci. La planéité du champ doit être exemplaire pour assurer une netteté satisfaisante à la fois au centre et sur les bords. Heureusement, la plupart des objectifs d’agrandissement se plient à cette exigence, une fois fermés aux ouvertures moyennes.

Les objectifs à six lentilles offrent les meilleures performances optiques, avec une homogénéité plus importante entre le centre et les bords. De plus, il suffit de les fermer de deux crans pour obtenir le meilleur piqué. Les objectifs à quatre lentilles offrent le meilleur rapport entre qualité et prix, avec une hétérogénéité plus importante entre le centre et la périphérie. Qui plus est, il faut les fermer à f/11 pour tirer la quintessence de leur formule optique ; en macrophotographie, il faudrait fournir une intensité lumineuse équivalente à f/22 (au rapport 1 x), ce qui n’est guère pratique. Les objectifs à trois lentilles ne fournissent des bons résultats que lorsqu’ils sont « vissés » à fond, mais le piqué n’est alors présent qu’au centre de l’image. Situés aux antipodes des objectifs à petit budget, les objectifs « APO » représentent la « crème de la crème » en matière de performances optiques : dotés de verres spéciaux pour une correction plus poussée des aberrations chromatiques latérales, ils sont proposés à des prix plus élevés (même en occasion), limitant leur intérêt pour une utilisation occasionnelle en macrophotographie.

Si certains objectifs plus modernes bénéficient d’un traitement multicouche des lentilles (par exemple les Fujinon-EX 75mm f/4,5 et EL-Nikkor 50 mm f/2,8 N que j’utilise mais également les versions APO des fabricants allemands Rodenstock et Schneider-Kreuznach et les Meogon du fabricant tchèque Meopta), la plupart des objectifs d’agrandissement en sont dépourvus. Il en résulte souvent un pouvoir de contraste moins élevé avec des images plus douces mais tout aussi piquées et une sensibilité plus grande au flare et aux images fantômes.

Fermé d’un ou de deux « diaphs », un objectif haut de gamme à six lentilles offre des performances optiques qui n’ont rien à envier à celles d’un objectif macro dédié, pour un tarif nettement inférieur ! Canon 5D Mark III, objectif d’agrandissement Fujinon -EX 75mm f/4,5 + tube allonge hélicoïdal, 1/400 s à f/8, 1250 ISO.

Réalisation mécanique

Par rapport aux objectifs de prise de vue, les objectifs d’agrandisseur possèdent une construction toute simple : exit donc la bague de mise au point et toute forme de communication entre l’objectif et le boitier, la bague de diaphragme étant la seule commande à actionner sur l’objectif.
Si la plupart des objectifs d’agrandisseur (Nikkor EL ancienne gamme, Fujinon EP, Minolta E et CE Rokkor, Komuranon E et S, Schneider Comparon et Componon, Rodenstock Eurygon, Rodagon et Rogonar-S, Meopta Meogon) possèdent des barillets et une monture vivante tout en métal, certains modèles plus récents arborent une construction partiellement ou entièrement réalisée en polycarbontate. C’est notamment le cas des objectifs d’entrée de gamme (Rodenstock Trinar et Rogonar, Meopta Anaret, etc. ) et de certains objectifs haut de gamme (Nikkor-EL nouvelle gamme, Fujinon-EX, etc.) sans que cela ait un impact sur les qualités optiques et le confort d’utilisation. Pour nommer un exemple, le Rodenstock Rodagon 50 mm f/2, 8 nouvelle génération possède des bagues externes et une monture en matière plastique alors que le fût de l’objectif est réalisé en métal. L’objectif comporte aussi un dispositif de présélection fort pratique qui permet de retrouver instantanément une valeur de diaphragme préalablement sélectionnée. Quant au crantage du diaphragme, par valeurs entières, il est débrayable au besoin, permettant un ajustement en continu pour un réglage précis de l’exposition. Notez que la plupart des objectifs modernes intègrent un système d’éclairage de la bague de diaphragme. Avant de pouvoir les utiliser pour la prise de vue, il faut colmater une petite fenêtre transparente dans la monture arrière avec du ruban opaque, faute de quoi, la lumière parasite réduit fortement le contraste de vos images.

Cinq objectifs d’agrandissement ; de gauche à droite : Nikon EL-Nikkor 50 mm f/4 (ancien modèle, 4 lentilles), Nikon EL-Nikkor 50 mm f/2,8 N (nouveau modèle, 6 lentilles), Nikon EL-Nikkor 80 mm f/5,6 (ancien modèle, 6 lentilles), Fujinon-EX 75 mm f/4,5 (6 lentilles) et Rodenstock Rodagon 50 mm f/2,8 (nouveau modèle, 6 lentilles). On distingue clairement la présence d’un traitement multi-couche sur l’EL-Nikkor moderne et le Fujinon-EX, leur procurant un pouvoir de contraste un peu plus élevé et de meilleures performances en contre-jour.

Pour la construction du diaphragme des objectifs d’agrandisseur, la plupart des fabricants ne suivent pas la logique en vigueur pour les objectifs de prise de vue. Ces derniers arborent souvent des mécanismes plutôt sophistiqués avec sept, huit, voire neuf lamelles, destinées à maintenir une forme circulaire lorsque le diaphragme est fermé de quelques crans. Les points lumineux dans les parties situées hors profondeur de champ adoptent ainsi une forme naturelle au lieu de trahir celle, plus artificielle, du diaphragme.

Le diaphragme des objectifs d’agrandisseur n’est pas toujours aussi élaboré que celui des objectifs de prise de vue : si le Nikkor-EL 50 mm f/2,8 et le Fujinon-EX 75 mm f/4,5 proposent huit lamelles pour une forme octogonale aux ouvertures fermées; pour le Rodagon 50 mm f/2,8, le fabricant a été plus chiche, l’ayant doté de seulement cinq lamelles.

La construction d’un objectif d’agrandissement répond plus souvent à des questions d’économie qu’à des questions de bokeh. Il n’est donc guère étonnant que le diaphragme de certains modèles économiques ne comporte que quatre lamelles alors que celui de certains modèles haut de gamme (Apo-Rodagon et Rodagon) n’en comporte que cinq. Le rendu des parties floues souffre donc considérablement et il ne saurait donc pas rivaliser avec celui produit par un objectif macro dédié dont la formule optique et la construction du diaphragme ont souvent été optimisées pour produire un bokeh saisissant. Néanmoins, il existe des objectifs d’agrandisseur avec un diaphragme à huit lamelles.

Choisir un objectif d’agrandisseur pour la macro

La focale d’un objectif d’agrandissement est traditionnellement associée au format du négatif. La surface de ce dernier doit être intégralement couverte par l’objectif, sans produire un vignetage dans les coins de l’image. Pour le format 24 x 36, on préconisait une focale de 50 mm, pour les formats 4,5 x 6, 6 x 6 et 6 x 7 cm, des focales de 75, 80 et 90 mm. À noter aussi la présence d’objectifs grands-angles (Rodagon-WA ou Apo-Componon HM), permettant d’obtenir des rapports d’agrandissement plus élevés sans pour autant augmenter la longueur de la colonne d’agrandisseur.
Beaucoup de photographes restent très attachés à leurs marques fétiches, portant à nues leurs produits préférés et vouant aux gémonies ceux ne trouvant pas grâce devant leurs yeux. Pour citer deux exemples, l’Angénieux 48G-10 48 mm f/4 et les Leitz Focotar WA  40 mm f/2, 8 et Focotar-2 50 mm f/4, 5 commandent toujours des prix impressionnants sur le marché d’occasion alors que les Meopta Meogon-S 50 mm f/2, 8 et Meogon 50 mm f/5, 6, de performances optiques tout aussi exemplaires, sont parfois bradés à des prix dérisoires. Certains utilisateurs ne jurent que par les performances des objectifs apochromatiques — mais lorsqu’il faut dépenser plusieurs centaines d’euros pour les acquérir, on peut sérieusement s’interroger sur leur intérêt pour la macrophotographie puisqu’il existe déjà d’excellents objectifs macro permettant de travailler beaucoup plus confortablement !

Canon EOS 5D Mark III, objectif d’agrandissement Nikkor-EL 50 mm f/2,8 + tube allonge hélicoïdal, 1/80 s à f/8, 800 ISO (éclairage au flash annulaire Canon MR-14 EX). Pour saisir cette araignée crabe minuscule, j’ai opté pour une focale de 50 mm, permettant d’obtenir un rapport de reproduction plus important. En revanche, la distance de travail se réduit comme une peau de chagrin, nécessitant de positionner la lentille frontale à quelques centimètres seulement du sujet. Heureusement, celui-ci a été très patient.

Heureusement, les objectifs d’agrandisseur les plus répandus (Rodagon, Componon-S, Nikkor-EL, Meogon, Neonon, etc.) offrent de très bonnes performances, sous condition de choisir un modèle à 5 ou 6 lentilles. En revanche, évitez les modèles à 4 (moins homogènes et proposés à des prix d’occasion équivalents) et 3 lentilles. Ces dernières nécessitent une fermeture du diaphragme à f/11 pour produire un piqué satisfaisant — or, à cette valeur d’ouverture, la diffraction commence déjà à annihiler les fins détails du sujet…

La focale de l’objectif détermine à la fois les rapports de reproduction minimaux et maximaux que vous pouvez obtenir en associant l’objectif à un soufflet macro, des tubes-allonge ou un tube hélicoïdal. Il est alors parfois possible d’obtenir une mise au point à l’infini avec des objectifs d’agrandisseur conçus pour les grands formats (80, 90 mm ou plus) alors que les objectifs d’une focale de 50 mm ou moins se prêtent à merveille à des rapports de reproduction supérieurs entre 1 et 3 fois, et même au-delà s’ils sont montés à l’envers.

De manière générale, la distance de travail est proportionnelle à la focale de l’objectif. Il est donc plus facile de photographier des sujets craintifs avec un objectif à focale plus longue et l’éclairage est également plus aisée.

La focale influe aussi sur le rendu de l’arrière-plan : plus elle est longue, plus l’arrière-plan est compressé et plus celui-ci parait flou. Avec un 80 mm, il est  plus facile d’obtenir un arrière-plan « neutre » (qui ne détourne pas le regard du sujet principal) alors qu’avec un 50 mm cela s’avère plus difficile.

Rappelons que la pleine ouverture d’un objectif d’agrandisseur sert en premier lieu à la mise au point. Un objectif ouvrant à f/2,8 est donc plus facile à utiliser qu’un autre ouvrant à f/5,6 même si ce dernier offre parfois un piqué homogène sans avoir à fermer le diaphragme.

Si possible, privilégiez des objectifs à conception moderne dont les lentilles sont traitées multicouche. Le plus souvent, ils offrent un pouvoir de contraste plus élevé  en plus d’une meilleure protection contre le flare et les images fantômes. Cependant, n’attendez pas des miracles. Le revêtement antireflet des objectifs d’agrandisseur est le plus souvent moins sophistiqué que celui des objectifs de prise de vue.

Un dispositif de présélection facilite la mise au point ; il permet de faire le point à pleine ouverture puis de fermer rapidement le diaphragme à l’ouverture de travail.

Si la plupart des objectifs d’agrandisseur possède une monture à filetage “Leica” (M 39), facile à adapter sur un dispositif de mise au point, certains sont dépourvus d’un filetage avant pour le montage à l’envers. Cela étant dit, ce dernier ne s’impose que pour atteindre des rapports d’agrandissement plus importants avec des objectifs à formule dissymétrique.

À suivre !  Dans la prochaine partie, je vous présenterai comment adapter les objectifs d’agrandisseur sur un boitier et comment les employer sur le terrain.

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