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La retouche : entre modération et automatisation

La retouche : entre modération et automatisation

Elle n’est qu’à ses balbutiements et pourtant, la photographie de calcul occupe depuis peu le devant de la scène quand il s’agit d’améliorer la qualité technique et esthétique des photos prises au smartphone : conscients des limites technologiques des objectifs et capteurs actuels, les fabricants misent désormais massivement sur des lignes de code pour transformer les images au moment même de leur création : lissage de peau, simulation d’une profondeur de champ réduite ou suppression de détails gênants, les images issues de minuscules capteurs repoussent les frontières de la physique, au grand dam de tous ceux pour qui la photographie est inféodée à la réalité et, accessoirement, à la vérité.

Rappelons que la retouche est aussi vieille que la photographie. Lors de l’Exposition universelle de 1855, Franz Hanfstaengl présente pour la première fois des photos retouchées qui lui valent le titre d’inventeur de la retouche d’images. Par la suite, les photographes se livrent avec bonheur à la manipulation de plaques de verre et négatifs grand format, penchés sur une table rétroéclairée. À l’époque déjà, la retouche réclame beaucoup de doigté. Selon Gisèle Freund, elle serait même à l’origine d’une dégradation de l’art photographique lorsqu’elle est utilisée sans discernement ni retenue. N’empêche, les photographes y trouvent un essor formidable, que ce soit pour magnifier leurs sujets ou pour réécrire l’histoire — les régimes autoritaires, pour ne citer qu’eux, en usent et abusent pour purger des archives toute trace de l’existence de leurs adversaires.

Une certaine confusion règne parfois en ce qui concerne la définition du terme « retouche d’image » et la délimitation de celui-ci par rapport aux termes « correction d’image » et « photomontage ». De nombreux logiciels ne maîtrisent que les corrections d’images puisqu’ils ne modifient que les tonalités et/ou les couleurs des pixels. D’autres, et notamment les éditeurs d’images, offrent la retouche et le photomontage qui entraînent des changements plus fondamentaux : dans le premier cas, certains pixels sont remplacés par d’autres de la même image, dans le second, les pixels de l’image finale proviennent de plusieurs images sources.

La photographie numérique contribue à révolutionner la retouche ; autrefois réservée aux seuls spécialistes retoucheurs, elle est désormais accessible au plus grand nombre. Pendant longtemps, elle reste l’apanage des éditeurs d’images tels que Photoshop. Toutefois, l’accent se déplace de plus en plus vers les logiciels de développement Raw. Si le traitement d’image vise prioritairement à optimiser les tonalités et les couleurs d’une image, la retouche ambitionne à en éliminer les imperfections réelles et imaginaires : élimination des poussières, correction des yeux rouges, lissage de la peau et suppression de détails gênants figurent alors au menu des meilleurs logiciels de développement alors que les éditeurs d’images et certains logiciels de retouche dédiés aux portraits et paysages peuvent se livrer à des modifications plus en profondeur des pixels d’une image. Photoshop, pour ne citer que ce logiciel phare en matière de retouche d’images, offre plusieurs outils qui sont à même d’analyser automatiquement la tonalité, couleur et texture des zones à modifier, ce qui facilite et accélère grandement la suppression de défauts, au point de créer de nouvelles informations là où il n’y en avait pas auparavant.

Même si vous prenez grand soin de bien exposer et composer vos images à la prise de vue, elles ont souvent besoin de quelques petites retouches pour révéler tout leur potentiel : ici, un passage rapide dans Photoshop a permis de nettoyer le ciel et la vitre.

Se pose alors un problème d’ordre déontologique — jusqu’ou peut-on aller sans travestir le contenu et/ou le message d’une image ? Certains ayatollahs du photographiquement correct prônent l’absence de toute manipulation d’images. Toutefois, ils oublient que la prise de vue offre d’emblée de quoi interpréter la réalité à sa guise, moyennant un simple changement de cadrage, point de vue et/ou angle d’éclairage, pour ne pas parler de l’enlèvement ou déplacement préalable d’objets gênants ou des améliorations automatiques opérées à notre insu par le processeur d’image de l’appareil photo. Même si vous n’avez pas d’avis aussi tranché sur la retouche d’image, vous devez tout de même vous poser des questions sur les modifications à apporter à vos images, et notamment lorsque celles-ci vont au-delà de la simple suppression des poussières.

Depuis plus de vingt ans, le logiciel phare d’Adobe règne en maître parmi les logiciels de retouche, au point que le verbe « photoshopper » a fait une entrée timide dans le vocabulaire contemporain. Mais il est talonné de près par d’autres logiciels, et notamment Photo, Gimp et Photoline.

Pour les photographes de presse, les choix sont plus limités : si l’ajustement des couleurs et des tonalités, la transformation noir et blanc et le recadrage sont tolérés, la suppression ou le remplacement de certains éléments sont à éviter, car ils touchent à l’intégrité de l’image. Dans tous les autres domaines, vous pouvez donner libre cours à votre liberté d’expression. En veillant à ne pas verser dans l’extrême inverse — la maxime « autant que nécessaire, mais aussi peu que possible » s’applique également à la retouche d’image.

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