Depuis toujours, but et chemin ne font qu’un, l’utilisation des outils et techniques photographiques étant tout aussi importante que le résultat final. Le numérique n’a pas rendu les choses plus faciles, bien au contraire, car en plus de la prise de vue, les photographes d’aujourd’hui doivent faire preuve d’une bonne maîtrise du posttraitement.
En numérique, le fichier Raw est parfois assimilé à une image latente non développée que l’on peut modifier (presque) à souhait. En effet, hormis la sensibilité qui fixe le rapport signal/bruit du capteur et l’exposition qui détermine la plage dynamique, tous les paramètres de prise de vue ne sont pas appliqués à la prise de vue, mais seulement sauvegardés sous forme de métadonnées. Lorsqu’il est converti en format TIFF ou JPEG, le Raw n’est pas altéré par tel ou tel réglage et conserve ainsi son intégrité pour des interprétations infinies. Le Raw est donc un véritable négatif numérique qui mérite d’être sauvegardé pour d’éventuelles conversions ultérieures.
Le ‘Digital Négative’, inventé et promu par Adobe, se comporte comme une enveloppe capable d’accueillir un contenu divers et varié, et notamment données d’image (linéaires ou dématriçées, compressées ou non), métadonnées (informations nécessaires à la conversion du fichier RAW et information EXIF et IPTC) et un ou plusieurs aperçus reflétant fidèlement les derniers paramètres de développement enregistrés. Le DNG a donc plusieurs as dans la manche : primo, il embarque l’ensemble des données relatives à l’image, favorisant la mobilité et la gestion des fichiers ; secundo, il bénéficie d’algorithmes de compression très efficaces pour réduire leur poids de fichier ; et, tertio, il est reconnu par de nombreux logiciels de développement. Cependant, malgré son statut de format brut universel, ouvert et documenté, il est toujours boudé par les logiciels des principaux fabricants d’appareils photo. Et cela ne risque pas de changer dans les années à venir…
Qui plus est, la plupart des appareils un tant soit peu évolués échantillonnent les informations brutes codées sur 12 ou 14 bits, en allouant 4096 ou 16 384 niveaux de luminosité par couche couleur. Par comparaison, le JPEG est limité à 8 bits par couche, ce qui correspond à seulement 256 niveaux par couche. Si le processeur de l’appareil veille à ce que la suppression des informations ne produise pas d’artéfacts lorsque l’image est affichée sur écran ou imprimée, la carence en profondeur de codage ne favorise guère les retouches importantes, d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une compression avec perte, elle-même génératrice de défauts visuels. Grâce à sa grande richesse de nuances, le Raw peut donc supporter un posttraitement beaucoup plus musclé. De même, gardons à l’esprit que la puissance de calcul du processeur d’un appareil photo ne rivalisera jamais avec celle d’un ordinateur.
Le développement dans un logiciel spécialisé demeure potentiellement plus intéressant. Si les mises à jour du micrologiciel sont généralement interrompues dès l’arrêt commercial d’un appareil photo, les logiciels de développement RAW s’améliorent au fil des versions et offrent des prestations de plus en plus satisfaisantes, et ce, même avec les fichiers issus d’un appareil « antédiluvien » ! Ces derniers retrouvent alors une seconde jeunesse grâce à des traitements de plus en plus raffinés.
À cela s’ajoutent des avantages d’ordre pratique : en optant pour le Raw, vous pouvez vous consacrer davantage à votre sujet au lieu de fouiller dans les menus de l’appareil pour trouver les paramètres les plus appropriés. Sans compter qu’il est possible de rattraper certaines erreurs, par exemple une balance des blancs erronée ou une mauvaise exposition, dans les limites de la plage dynamique du capteur. Le Raw se prête donc non seulement aux experts souhaitant reprendre le contrôle sur la prise de vue et le posttraitement, mais aussi aux débutants, pas toujours bien rodés en ce qui touche aux réglages de leur appareil.
Nous avons beau affirmer la supériorité des formats Raw en termes de qualité d’image, il subsiste quelques inconvénients d’ordre pratique. Dans la photographie de reportage ou de presse, les contraintes imposées par le délai de livraison des photos pèsent lourd sur le choix du format d’enregistrement. À la différence du Raw, le JPEG est « universel “ : reconnu par de nombreux logiciels, il peut être affiché et exploité immédiatement et sans manipulation particulière alors que le Raw impose de passer par un logiciel de développement. Contrairement à ce dernier dont il existe autant de formats que de marques et autant de variantes que d’appareils, le JPEG représente un standard qui sera toujours de rigueur dans vingt ans. Pourra-t-on dire la même chose des formats Raw dont certains ont déjà été abandonnés ?
Si le prix des cartes mémoire, barrettes RAM et disques de stockage a beaucoup baissé ces dernières années, la taille des fichiers bruts, plus de deux fois plus importante que celle des JPEG, influe à la fois sur la vitesse d’enregistrement, la vitesse de transfert et sur la durée de traitement. À défaut de disposer d’un ordinateur puissant et de logiciels récents, leur manipulation deviendra donc très vite une corvée.
Faut-il adopter le ‘négatif numérique’ à tout prix, sachant que la plupart des appareils récents produisent d’emblée des JPEG de grande qualité ? Contrairement à ce qu’affirment certains photographes, le Raw n’est pas une panacée. Mais il s’agit actuellement de la meilleure solution pour maximiser la qualité technique des images. Sous condition de suivre l’évolution des formats et logiciels pour assurer la pérennité de ses images.
Si tout incite à penser que le Raw est l’image brute, en sortie de capteur (après tout, « raw » signifie « cru ») la réalité est toute autre. Tous les boitiers récents manipulent les données brutes pour réduire certains défauts (pixels morts, bruit structurel permanent, banding, etc.). Parfois même, ils suppriment de précieuses informations, impossibles à récupérer.