Les objectifs du fabricant Samyang jouissent désormais d’une certaine popularité auprès des photographes économes. Leur atout le plus marquant est de proposer une optique de qualité à moindre coût, en sacrifiant un certain nombre de caractéristiques, pourtant considérées comme étant indispensables par la plupart des photographes : mise au point automatique, stabilisateur d’image et communication entre l’objectif et le boîtier.
Le Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC est sans doute l’un des représentants les plus séduisants de la gamme. Proposé à 300 euros, il est beaucoup moins onéreux que ses concurrents directs, le Canon 14 mm f/2, 8 L II USM (2100 euros) et le Nikon 14-24 mm f/2, 8 AF-S (2000 euros).
Par son angle de champ (114° en diagonale), le 14 mm est la focale fixe la plus courte offrant la couverture d’un capteur plein format sans déformation des lignes droites. Le Sigma 12-24mm f/4.5-5.6 DG EX et le Voigtländer 12mm F5, 6 Ultra Wide Heliar offrent un angle de champ encore plus étendu (121°), mais pour le dernier, il s’agit d’un objectif qui est uniquement adaptable sur un boîtier télémétrique.
La réalisation mécanique de l’objectif est correcte sans plus. Si de nombreux testeurs affirment qu’il bénéficierait d’une construction en métal, ils se trompent sur les matériaux employés. Hormis la baïonnette et certaines parties du fût interne, sa construction est en plastique et assez légère : la baïonnette est fixée par trois vis métalliques sur une bague en plastique et certains utilisateurs ont constaté un desserrage du fût avant, maintenu en place par trois petites vis sur l’extérieur du fût. Notez aussi que la matière plastique utilisée marque assez facilement.
Après plusieurs mois passés dans mon sac à dos photo, la bague de diaphragmes comporte déjà un certain nombre de rayures, ce qui n’est pas arrivé à ce jour avec mes autres objectifs, provenant de Canon et Voigtländer. La lentille frontale, large, bombée et très exposée aux rayures, n’autorise aucun filtre.
La bague de diaphragmes fonctionne par demi-ouverture (sauf entre f/16 et f/22) et permet d`aller de f/2, 8 à f/22. Quant à la bague de mise au point, elle est onctueuse et sa course est ample, autorisant (au moins en théorie) une mise au point très précise. Mais en pratique, la mise au point est un des défauts les plus criants. Le fabricant a choisi de faire des économies de bout de chandelle sur le calage de la bague de mise au point : l’infini ne correspond pas à la fin de course de la bague et le défaut se manifeste parfois par des performances optiques en retrait. La pertinence du dispositif de lentilles flottantes du Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC découle en fait directement de la précision de la mise au point, notoirement insuffisante sur les objectifs de ce fabricant coréen…
Une fois le décalage de la mise au point corrigé, la prise en main de l’objectif est très bonne. La bague de mise au point autorise alors une mise au point très confortable. J’ associe le Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC à un Canon EOS 5D Mark II et l’absence de couplages mécaniques et électroniques entre l’objectif et le boîtier impose alors une mise au point et un cadrage à pleine ouverture.
Très confortable en photo de paysage et d’architecture avec d’autres objectifs, le mode LiveView du 5D Mark II est poussé à ses limites avec une focale de 14 mm : il est en effet difficile de juger de la précision de la mise au point, d’autant plus que l’objectif souffre de résidus d’aberrations sphériques à f/2, 8. Dans ce contexte, il est très dommage de ne pas avoir ajouté une échelle de profondeur de champ, très utile pour choisir la distance hyperfocale (sous condition que l’infini soit correctement recalibré…).
Compte tenu de son angle de champ extrême, l’utilisation d’un 14 mm est plutôt délicate. Le cadrage change avec des mouvements même très subtils et il est très difficile de remplir le champ avec un premier plan intéressant sans pour autant inclure des éléments parasites. À noter aussi que les déformations caractéristiques aux objectifs super grand-angles se manifestent très rapidement lorsqu’on oriente le boîtier vers le haut ou vers le bas. Bref, nous sommes loin d’un objectif « universel », un apprentissage est toujours indispensable pour maîtriser une telle focale sur le terrain !
Les performances du Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC sont très élevées, et ce, même en faisant abstraction du prix, très inférieur à celui de ses concurrents.
Contrairement à d’autres objectifs à focale courte, nettement plus faible en périphérie, le Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC réalise un véritable exploit : dès la pleine ouverture, le piqué est satisfaisant dans les angles et devient homogène sur tout le champ dès qu’on ferme le diaphragme de quelques valeurs. Aux ouvertures de travail « courantes» en paysage et en architecture (entre f/8 et f/16), la qualité optique est vraiment exceptionnelle et dépasse alors même la résolution du capteur du 5D Mark II (gare à certains artéfacts…) !
Le rendu des images se distingue de celles prises avec mes objectifs Canon : la gradation est un peu plus douce dans les ombres et les hautes lumières et en termes de rendu des couleurs, les images sont un peu plus chaudes. En revanche, il s’agit d’une dominante légèrement jaune, alors que celle de mes objectifs Voigtländer est légèrement magenta.
Alors qu’elles fleurissent au fur et à mesure que les distances focales diminuent, les aberrations chromatiques sont tellement bien corrigées qu’elles restent invisibles à travers le champ d’image. Précisons qu’il s’agit là d’une performance exceptionnelle, inégalée par ses concurrents.
De nombreux objectifs grand-angle et super grand-angle souffrent d’un obscurcissement important sur les bords. Le vignetage du Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC est très important (et gênant) à pleine ouverture et s’estompe peu à peu, bien qu’il ne disparaisse jamais entièrement. Mais au final, il ne s’agit pas d’un défaut majeur puisqu’aux ouvertures de travail, le vignetage demeure assez discrèt.
La distorsion est le seul défaut véritablement gênant. D’une part, son ampleur est monumentale et d’autre part, c’est une distorsion à moustache difficile à corriger : une déformation en barillet au milieu et une déformation en coussinet aux bords de l’image. Alors que ce défaut met l’objectif hors compétition pour la photo d’architecture, sachez qu’il peut être corrigé à postériori, dans Camera Raw/Lightroom ou PTLens. Si le profil de correction optique destiné aux applications Adobe peut dépanner dans certains cas, il n’est pas suffisamment précis pour venir complètement à bout de la distorsion optique. Nettement plus efficace, PTLens offre une correction satisfaisante de ce défaut et on pourrait même envisager d’utiliser le Samyang 14 mm en photo d’architecture (toutefois, un objectif à décentrement et bascule est beaucoup plus avantageux).
Avec la forme bombée de sa lentille frontale, l’objectif est potentiellement très exposé au flare et aux lumières parasites. Mais dans la pratique, le traitement multicouche de type UMC est plutôt efficace : s’il est impossible de supprimer des images fantômes, leur amplitude demeure assez faible et l’objectif bénéficie d’une bonne résistance au flare, très important en photo HDR.
S’agissant d’une focale plus exotique et donc moins souvent sollicitée, les défauts communs aux objectifs Samyang ne sont finalement pas aussi pénalisants que pour les objectifs plus « universels » (35 mm f/1, 4 et 85 mm f/1, 4). Après tout, un 14 mm ne sert pas tous les jours et lorsqu’il est employé dans ses domaines de prédilection, la photographie de paysage et la photographie urbaine, le manque de communication entre le boîtier et l’objectif est moins grave, puisque la réactivité n’est plus un facteur de réussite important. Le Samyang 14 mm f/2, 8 ED AS IF UMC offre des performances alléchantes, avec un excellent piqué en plein format, ce qui est suffisamment rare pour le souligner. Quant à son seul véritable défaut optique, la distorsion, énorme, elle se corrige de manière plutôt satisfaisante dans PTLens, plug-in peu onéreux disponible pour Photoshop, Lightroom et Aperture.
La seule grande faiblesse de cette optique réside finalement dans sa réalisation mécanique, comme j’ai découvert en démontant l’objectif pour corriger son défaut de mise au point. Si la plupart des testeurs insistent sur l’excellence de la mécanique des objectifs Samyang, mon avis demeure plus nuancé. Pour proposer ses objectifs à des tarifs défiant toute concurrence, le coréen fait des choix pas toujours heureux : ainsi, la baïonnette est vissée sur une bague en plastique et les vis de fixation sur le fut extérieur sont d’une qualité médiocre. Mes objectifs Voigtländer, plus onéreux, mais nettement plus robustes et mieux fabriqués, représentent pour moi un « investissement » à long terme et je considère les objectifs Samyang un peu comme des consommables, ayant des doutes quant à leur fiabilité…
Focale : 14 mm (équivalent 21 – 22 mm sur un reflex au format APS-C)
Ouverture maximale : f/2,8
Ouverture minimale : f/22
Construction optique : 14 éléments en 12 groupes, 2 éléments asphériques et 2 en verres à faible dispersion, diaphragme à 6 lamelles
Angle de champ : 114° (24×36)
Mise au point : manuelle
Distance minimale de mise au point : 0.28 m
Longueur : 100 mm
Poids :535 g
Prix : environ 300 euros en monture EF et 340 euros en monture N